Conférence ISESCO

Autor del artículo: Cherif Abderrahman Jah

Fecha de publicación del artículo: 04/05/2001

Año de la publicación: 2001

Conférence prononcée lors d’un colloque organisé par l’ISESCO

Cherif Abderrahman Jah
France 2001

Je desire saluer respectueusement les coparticipants tres distingues a ces journees, et aussi feliciter les organisateurs pour le choix heureux du theme a developper au cours de cette premiere seance de travail.

Un theme plein d’interrogations et donc d’autant plus attachant.

La dignite humaine trouve-t-elle ses racines dans la religion? Ou c’est au contraire le besoin de recherche de sa dignite qui pousse l’homme a se rapprocher de la religion?

Qui sont ceux qui se sentent menaces par le sectarisme et par le fondamentalisme? qu’entendons-nous par sectaire et par fondamentaliste?

De nombreuses questions de ce type ont amene au cours de ces dernieres annees a modifier les presupposes ideologiques sur lesquels s’appuient les recherches relatives aux sciences du comportement humain.

Il a fallu donner une reponse effective a ce qui est evident: l’existence d’un certain nombre de societes sur notre planete, des societes multiraciales, multiethniques et multiculturelles, qui rendent imminents ces changements.
D’autre part, les evenements qui se sont rapidement succede au cours de ces derniers temps ont deplace toutes ces interrogations, qui sont sorties des cercles intellectuels dans lesquels elles etaient confinees pour descendre dans l’arene large de l’opinion publique.

Et, de ce fait, la communaute politique internationale a ete obligee d’adopter une position allant dans ce meme sens.

L’histoire des mentalites, une branche relativement moderne se l’histoire, a montre que l’un des mythes principaux de la modernite en occident est l’idee d’oposition entre religion – superstition – revelation et logique – science – rationalisme.

Cet antagonisme scinde le processus de la culture occidentale en un «jadis et maintenant», en un «eux et nous» se posant comme autant de premisses qui n’admettent pas d’etre remises en question.

Selon ce mythe, le monde est devenu quelque chose d’objectivement bon il y a trois siecles, quand les penseurs eclaires commencerent a etablir ce qui etait authentiquement valable, et ce sur la seule base de la raison.

Autrement dit, nous considerons comme bon «le notre», le produit uniquement de «notre» raison, cautionnee par le mouvement eclaire, meme si ses origines sont quelque peu estompees.

Et c’est la que reside a mon avis le vrai sectarisme, le sectarisme que pratiquent les personnes, et aussi les cultures, qui pensent etre en possession de la verite absolue; et parfois meme en depit du fait qu’elles font partie de la communaute scientifique internationale.

Le fondamentalisme peut etre cette attitude qui consiste a s’accrocher a des principes fondamentaux issus d’une culture donnee, mais imposes a d’autres cultures en tant que principes optimaux, sans meme se donner la peine de les analyser ni de les mettre en question.

De telles pratiques sont susceptibles de se retourner contre leurs propres createurs des le moment meme que ceux-ci sont en mesure de craindre que «leur verite» risque d’etre mise en question.

Mais il nous est donne de constater aujourd’hui que les evenements mondiaux ont des retentissements en chaine et qu’ils affectent de la meme façon au niveau ideologique et philosophique, une multitude de sujets de toutes latitudes.
Ces evenements, entraines en regle generale par des facteurs economiques et, dernierement, nationalistes, sont en train de bouleverser les fondements jusque la inamovibles de la civilisation occidentale.

Les citoyens du monde sont concernes, a court ou a long terme, par tout mouvement ideologique, philosophique ou economique pouvant voir le jour en n’importe quel point de la planete. C’est ainsi qu’arrive a son terme d’une maniere traumatique l’hegemonie d’une civilisation originelle qui croyait etre superieure a toutes les autres civilisations. comme l’a ecrit jean-baptiste duroselle:

«… quand on me dit que l’europe est le pays du droit, je songe a l’arbitraire; qu’elle est le pays de la dignite humaine, je pense au racisme; qu’elle est celui de la raison, je pense a la reverie romantique. et je trouve la justice en pennsylvanie, la dignite humaine chez les nationalistes arabes, la raison partout dans l’univers. s’il est vrai, comme le dit descartes, que le bon sens est la chose du monde la mieux partagee.»

C’est le rationalisme critique qui a tout remis en question, y
compris les valeurs piliers de l’homme, telles que la religion.
la negation etant acceptee, on nie toutes les idees, tous les systemes et meme toutes les divinites.

Ce negativisme s’est travesti en ironie, en contestation et aussi en revolte. comme l’a dit edgar morin: «le desir faustien de connaissance absolue fait surgir ‘l’esprit qui nie toujours’: mephistopheles.»

Mais le resultat ne s’est pas fait attendre longtemps: sous l’image de la haute dignite imposee par la raison, l’homme n’a plus ete en mesure de repondre a toutes les questions que lui posait son esprit. le sentiment de vide a commence a etre endemique chez l’homme moderne et la methode mise en oeuvre pour pallier cette defaillance a ete uniquement la recherche du bien-etre materiel.

L’europe, continent pionnier en matiere de developpement moderne et institutionnel, est aujourd’hui en mesure de constater que ni a simple allusion aux droits de l’homme, ni la mise en place d’une economie de marche et meme ni le mecanisme de la politique ont ete suffisants pour faire naitre au sein de la famille humaine un lien d’integration et de solidarite, et meme d’identite.

De par un droit qui lui est propre et historique, l’europe porte sur son dos l’initiative du changement mondial. et c’est pourquoi elle se doit d’anticiper dans le temps et de rechercher l’identite culturelle sur la base d’un pluralisme sans exclusions, mais aussi sans donner une quelconque priorite a telle ou telle croyance, religieuse ou philosophique.

L’europe doit accepter ce qui est different et eviter d’assimiler
quoi que ce soit en tant que specifiquement «sien», car seule
l’acceptation de cet universalisme anti-exclusion se pose de plus en plus comme la base essentielle de la dignite humaine.

Tout homme sera ainsi en mesure de se retourner librement du cote de sa propre croyance, quelle qu’elle fut, sans avoir a craindre la condamnation d’une nouvelle inquisition, sans se sentir discrimine par les societes futures.