On parle ici de la relecture du concept coranique « al-khilafa » Dans le Coran, on retrouve plusieurs concepts qui, dans leur finalité, leur compréhension et leur interprétation profonde, édifient une vision soutenue de l’égalité hommes femmes. Il est vrai que l’imbrication de plusieurs aspects juridiques avec le contenu spirituel global du texte, ainsi que les conjonctures coutumières en vigueur à l’époque, ont occulté la tendance égalitaire de fond, et ont rendu difficile toute entreprise de discernement. Ajoutons à cela l’accumulation des interprétations humaines, subjectives et fluctuantes qui, avec le temps, ont embrouillé encore plus la missive, ce qui à finit par détourner le sens originel du texte et imposer de ce fait une vision fondamentalement inégalitaire entre les hommes et les femmes.
Beaucoup de concepts coraniques peuvent être considérés comme ayant été représentatifs de l’égalité hommes femmes, cependant, nous nous limiterons dans cet article à l’analyse de l’un d’entre eux, que l’on peut considérer comme étant l’un des premiers piliers de la construction coranique de cette vision égalitaire.
Al-Khilafa : Terminologie, sens et concepts
Le terme de Khilafa revient plusieurs fois dans le Coran sous des déclinaisons différentes. Il n’y a pas de conclusion unanime, de la part des commentateurs du Coran, quant à la distinction entre les différentes significations de ce terme. Cependant, et selon le contexte du verset, on peut distinguer au moins trois sens à ce terme. Le premier renvoie au sens général de « succession » ou Khilafa (Califat) et le Khalifa (Calife) étant le « successeur », à savoir, « celui qui occupe la place d’un autre dans son domaine ». Le second sens, dans son emploi au pluriel Khalaif, désigne plutôt des peuples, des tribus voire des générations qui se succèdent les unes aux autres.
Le troisième sens est celui qui indique, toujours dans le sens de la succession ou de la transmission, la particularité de la gestion du monde léguée par Dieu à l’être humain: « Puis vient le jour où ton seigneur dit aux anges : « je vais installer un représentant -Khalifa- sur la terre » et les anges de répondre : « vas tu y établir ceux qui y feront régner le mal et y répandront le sang alors que nous chantons Ta gloire et célébrons Tes louanges ? » ; Dieu leur répondit : « ce que je sais dépasse votre entendement ». Coran 2:30. Ce verset est considéré comme central dans la conception de la création humaine.
La grande majorité des commentateurs s’accordent sur le fait que ce « représentant » est l’être humain (Bani Adam), ou le genre humain lors de la première initiative édictée par Dieu de peupler la terre. C’est une manière d’honorer l’être humain en lui accordant cette fonction certes symbolique, mais ô combien essentielle de « gérer » ce que Dieu lui a légué, à savoir, Sa Création.
Cette fonction de « représentation » est un privilège accordé à l’être humain par rapport aux autres créatures, dans le sens où il y a eu une prééminence de celui-ci sur les anges qui, malgré leur supériorité spirituelle, n’ont pas été considérés comme étant dignes de ce grand héritage. C’est ce qui explique leur remarque prémonitoire, un tant soit peu désabusée, mais bien vue d’ailleurs puisque confirmée aujourd’hui par la désastreuse gestion humaine des richesses naturelles de la terre et devant tous les dégâts commis par les êtres humains le long de l’histoire de l’humanité !
Mais Dieu leur répond que, malgré cela, malgré tous ces dépassements à venir, ces injustices qui seront commises sur terre et combien de fois en Son Nom, malgré toute cette histoire humaine qui sera faite de déceptions et de trahisons, la création de l’être humain et son parcours sur terre devaient avoir lieu pour une raison qui dépasse l’entendement et l’intelligence de tous ceux qu’il a créés… Cela émanait de Sa décision, de Sa sagesse et de Son insondable volonté… et c’est là où réside probablement tout le secret du sens et du pourquoi de notre vie sur terre…
Cette « Khilafa » octroyée par Dieu aux êtres humains, hommes et femmes, est certes une marque de considération sans pareil, qui fait de la valeur humaine une vertu inestimable et irremplaçable au sein de la Création. L’être humain a été doué de raison, et de là élu par le Créateur afin d’accomplir cette suprême fonction qui est celle de peupler la terre et d’organiser les modalités de son existence dans ce monde. Mais cette fonction qui fait de l’être humain un représentant sur terre est aussi et surtout une énorme responsabilité, celle de préserver la création, avec ses richesses et ses trésors naturels, de s’en servir certes sans toutefois l’asservir, d’en respecter les lois naturelles et d’en protéger les ressources.
Le Coran n’a de cesse de répéter dans une multitude de versets, que les richesses de Sa Création sont des dons divins à l’humanité :
« N’y a t-il pas dans l’eau que Dieu fait précipiter du ciel pour vivifier la terre après sa mort et l’abondance de tant d’êtres vivants et dans la conduite des vents et des nuages entre le ciel et la terre, dans tout cela n’y a t-il pas autant de signes pour ceux qui savent réfléchir ? » Coran 2 ;164.
« Et c’est Lui qui fait descendre du ciel une eau pour que germent toutes sortes de plantes et pour que poussent le feuillage vert, la verdure, les palmiers, les dattes, les jardins de raisin, l’olive et la grenade et les fruits qui se ressemblent et d’autres qui diffèrent. Observez leurs fruits et voyez comment ils fructifient et comment ils murissent ! En vérité, il y a en cela des signes pour ceux qui croient » Coran 6 ; 99.
Le Coran incite les hommes et les femmes à observer et réfléchir à Ses signes (les Ayats coraniques). Et ce, afin de les rappeler (dhikr) à leur première responsabilité, celle pour laquelle ils ont été crées; autrement dit celle de conserver et de protéger ce patrimoine terrestre légué par le Créateur des mondes. La Khilafa doit avant tout être comprise et vécue au quotidien de l’humain comme une gouvernance responsable et consciente des défis de cette grande aventure humaine sur terre. La Khilafa, dans sa conception coranique, est donc conditionnée, avant tout, par cette responsabilité qui doit être portée par chaque être humain sur terre. Par chaque homme, par chaque femme. Si les être humains sont des Khalifa – des représentants – ils ne le sont pas dans le sens littéral, autrement dit, des représentants de Dieu sur terre, mais ils sont les représentants ou les dépositaires de cette noble Mission dont le Créateur les a assigné sur terre.
Evolution sémantique et politique
Cependant, force est de constater que ce concept de Khilafa et de Khalifa a connu une évolution sémantique qui au gré des conjonctures et des évènements politiques va le vider de l’esprit et de l’éthique qui l’a fondé. C’est ainsi que son sens premier, tel qu’il fut prôné par le Coran, va être extrapolé, voire « manipulé », afin de justifier et de légitimer des abus politiques supposés édictés au nom de la religion.
En effet, ce concept va connaître, au cours de l’histoire de la civilisation islamique, une réappropriation politique qui fera de lui un puissant outil de l’autoritarisme politique musulman. Dès la mort du prophète, qui faut-il le rappeler n’a jamais utilisé ce terme pour légitimer sa position de premier représentant de la communauté islamique, la Khilafa va être considérée comme une prédisposition islamique à la gouvernance politique et va dès lors constituer un thème central récurrent dans les stratégies politiques de prise de pouvoir entre les musulmans.
Il est à noter que l’argumentaire religieux qui légitimerait, un tant soit peu, l’utilisation de ce concept comme pouvant être l’équivalent du gouvernant politique, est retrouvé dans un des versets où le terme de Khalifa est lié au pouvoir du Roi David : « O David !: nous avons fais de toi un Khalifa –un représentant sur terre-, juges donc en toute équité parmi les gens et gardes toi de suivre tes penchants, si tu veux rester dans la Voie du Seigneur » Coran 38 ;26.
C’est ainsi que certains exégètes et savants musulmans, à l’instar d’Ibn Kathir, ont affirmé que ce terme de Khalifa désigne la plus haute autorité politique en islam, alors que d’autres comme Tabari, ont insisté sur le fait que le Roi David dans ce verset n’est que le successeur ou représentant des autres prophètes.
C’est donc à la mort du prophète et devant l’absence de tout texte coranique explicite et en l’absence aussi de toute initiative de ce dernier, qui n’a laissé aucune décision par rapport à la gestion politique de la communauté, que la nécessité d’une gouvernance politique s’est manifestée au grand jour. La communauté musulmane s’est retrouvée du jour au lendemain avec un vide juridique alors qu’elle était appelée à exercer le pouvoir à une plus vaste échelle. C’est à Abou Bakr, ami et premier compagnon du prophète, que reviendra la première désignation de Calife, mais, fidèle à sa perspicacité et sa piété reconnues, il a conditionné cette fonction par la dénomination de « successeur » du prophète. Autrement dit, Abou Bakr fut désigné comme étant le « Calife du prophète » «Khalifat RassoulAllah».
Omar Ibn El Khattab, quant à lui, va adopter le titre de « Commandeur des croyants », «Amir el mou’minine», puisque la formule de « successeur du successeur du prophète… » deviendra à la longue, lourde à garder avec la succession des Califes.
Le Califat, en tant que concept politique, est né donc lors des premiers débats sur la succession du prophète notamment lors de l’élection du premier Calife Abou Bakr dans une assemblée nommée « Sakifate Bani Saad ». Il est intéressant toutefois de préciser que le Califat a été pensé et imaginé par les compagnons comme un pacte réalisé entre les membres de la communauté et leur dirigeant choisi et élu. Le Califat, ainsi édicté, est né d’un consensus « politique » et non pas religieux. Il a été l’aboutissement d’intenses tractations entre les membres de la communauté de Médine et qui s’est consolidé, après un commun accord, par l’élection d’un gouvernant. C’est un pacte réalisé entre les membres de la communauté et leur dirigeant, dans lequel ce dernier s’engage à respecter les conditions du pacte.
Le Califat est certes né lors d’un processus particulier de l’histoire islamique, il est islamique quant à l’éthique qui le sous tend, mais n’est pas théocratique ni dans sa conception ni dans sa philosophie. Le Califat n’est pas une institution d’ordre divin et le Calife n’est pas détenteur d’une légitimité divine. Le discours historique du premier Calife Abou Bakr lors de son élection constitue sans concession le substrat philosophique de l’institution Califale comme elle a été initialement pensée et établie.
L’une des premières conditions stipulés par ce Calife a été de demander à la communauté de lui obéir tant qu’il obéit à Dieu, autrement dit, que l’accord devait être respecté tant que le dirigeant respectait l’éthique islamique de la justice et du droit pour tous. Et si les conditions du pacte n’étaient plus respectées par le chef politique, la communauté avait le droit, voire l’obligation, de le destituer. Voici le discours d’élection d’Abou Bakr : « J’ai été élu mais je ne suis pas le meilleur d’entre vous. Si je règne dans la bonne voie suivez moi, mais si j’en dévie révoquez moi. Le plus faible d’entre vous est prioritaire pour moi jusqu’à ce que je lui redonne ses droits, et le plus fort d’entre vous est un faible pour moi jusqu’à ce que je reprenne de lui les droits qu’il a usurpé aux autres… ».
En dehors de la période connue des Califes « bien guidés », dénommés ainsi du fait de leur respect des orientations coraniques concernant la justice et l’équité dans la gouvernance politique, c’est malheureusement la logique clanique et tribale qui va petit à petit prendre le dessus, et c’est à de véritables guerres intestines pour le pouvoir que les musulmans vont s’adonner tout au long de leur histoire.
Deux dimensions fondamentales
Les premières expériences politiques conduites par les premiers Califes ont respecté l’éthique coranique de la gouvernance qui s’articule autour de deux dimensions fondamentales : La Bayaa et la Choura. La Bayaa, ou acte d’allégeance, est un pacte politique entre la communauté et le gouvernant, et la Choura est une sorte de consultation politique faite entre les différents membres de la communauté, et qui doit précéder l’acte de l’allégeance. Ces deux dimensions sont indispensables à l’édification d’un pacte politique à même de servir l’intérêt commun de l’ensemble de la communauté. Notons en passant, que ces deux conditions ont été, à travers l’histoire islamique, utilisés selon les bons vouloirs du prince, et notamment pour servir de caution politique à l’autocratie, puisque c’est la Bayaa qui est restée prioritaire et a été exploitée dans sa forme, purement théâtrale, au dépend de la Choura, qui elle, est tombé en profonde désuétude.
Il est vrai que l’esprit qui régnait encore sous l’égide des premiers Califes était encore fortement imprégné de la pédagogie du prophète, ce qui a finit d’ailleurs par « sacraliser » cette période, notamment par une certaine lecture politisée de l’histoire. En effet, on a fini par faire ancrer dans l’imaginaire musulman l’idée implicite que le modèle politique des premiers Califes était un modèle de gouvernance parfait dirigé par des hommes que l’on a aussi érigé en « icones », voire en modèles « surhumains » et donc inaccessibles pour le reste du commun des mortels.
Sous l’influence des diverses pressions, notamment celles relatives au clan des Quoraishites, encore très imprégnés de leurs valeurs tribales, Mouawiya, tête de file du clan des bani Omaya, et fondateur de la future dynastie de omeyades, va être à l’origine de la plus grande fracture historique qu’a connut le monde musulman, et qui depuis lors ne s’en ai jamais rétabli de point de vue politique.
En effet, la mort du dernier Calife Ali va signer la disparition de tout un règne, celui de la Choura, de la justice sociale et de la liberté. Mouawiya, qui reprendra les rênes, signera la mise à mort des derniers fondements d’une politique d’éthique et de valeurs morales, afin d’inaugurer celle de l’autocratie et du retour des valeurs tribales. La dynastie Omeyade a réinstauré les trois emblèmes claniques que le prophète n’a eu de cesse de combattre, à savoir, celui des privilèges familiaux, de la priorité donnée aux liens tribaux, et de la supériorité de l’origine ethnique arabe, représentée essentiellement par le clan des Qurayshites. La consécration du pouvoir politique dictatorial des Omeyades c’est faite sur fond de cette moralité tribale, quoique savamment repeinte aux couleurs religieuses de l’islam, érigé en alibi politique.
Cet épisode de l’histoire islamique, véritable coup d’état politique, a transformé le califat en monarchie despotique. Alors que lors de la période des premiers Califes, les critères du gouvernant étaient ceux de la bonne conduite morale et religieuse et du sens de la justice et de l’équité, avec la dynastie Omeyade, c’est la notion d’hérédité qui jouera le rôle primordial dans l’attribution du pouvoir. De la « succession » méritée et élue par la communauté, c’est à la monarchie héréditaire que les musulmans vont désormais avoir affaire. Mouawiya a usurpé le pouvoir califal en limitant l’autorité politique aux descendants de son clan des Omeyades, et en instaurant ainsi la première dynastie islamique héréditaire. Du califat de concertation on est passé au califat de la monarchie héréditaire.
Dès lors, les concepts de Calife et Califat vont être complètement détournés par les Omeyades, qui vont s’atteler à donner une nouvelle et habile interprétation à ces termes, afin d’ancrer leur autorité politique et lui donner une sacralité, à même de légitimer toutes leurs exactions politiques. Il y eu de la part de Mouawiya une véritable « récupération religieuse » du Califat et certains savants, asservis au pouvoir, vont autoriser le glissement sémantique du Califat à contenu politique – comme il l’a été pensé par les premiers califes – en Califat à contenu religieux, en l’interprétant à partir du verset coranique dans lequel il est stipulé que Dieu a créé « Ses » représentants sur terre.
Le concept de Calife est passé du sens spirituel de la responsabilité léguée à tous les humains, et de celui du Calife élu en tant que représentant politique, à celui d’un Calife supposé légalement représentant de Dieu. On instaura ainsi de nouvelles dénominations très suggestives comme celles du « Calife de Dieu sur terre ». La signification politique que lui ont conféré les premiers Califes a été déplacée du champ politique au religieux, et il ne s’agissait plus de pacte entre gouvernants et gouvernés, mais d’un véritable pouvoir théocratique qui impose dorénavant l’obéissance au dirigeant comme une prescription divine.
Les savants autorisèrent ainsi l’emploi du titre de « Calife de Dieu », légitimant la «sacralité » d’un souverain nommé par Dieu, ce qui favorisa l’instauration de l’idéologie de la soumission la plus servile, puisque le Calife étant le tenant d’une autorité d’ordre divin, le désobéir revenait à désobéir à Dieu.
D’autres qualificatifs allusifs vont être utilisés aussi par les Abbâssides notamment, qui trouvèrent mieux dans leur ingéniosité à sacraliser leur autorité en inventant le titre de «l’Ombre de Dieu sur terre». Ces systèmes politiques autocratiques vont instrumentaliser d’autres concepts coraniques tel que la « prédestinée » (el Kadaa – el Kadar) afin de justifier tous leurs abus comme étant la conséquence de sentences divines prédestinées.
Cette doctrine de « coercition politique » va finir par extirper toute volonté à la responsabilité humaine, et établir l’idée subtile que l’être humain ne peut absolument rien devant un Destin sombre, abstrait et inéluctable ce qui va engendrer une grave démission intellectuelle et politique des musulmans, qui vont sombrer dans un fatalisme dangereux et platement servile. C’est depuis lors, l’instauration d’une véritable « idéologie fataliste » qui va devenir l’idéologie officielle de tous les pouvoirs politiques successifs en terre d’islam et qui sera responsable de tous les « désastres » politiques vécus en terre d’islam.
La Khilafa des hommes et des femmes sur terre
Il est évident que l’on est très loin du concept de Calife tel qu’il a été prescrit et affirmé par le Coran. Ce concept a subi maintes manipulations durant les péripéties de l’histoire et les tragédies politiques en terre d’islam. D’une conception spirituelle qui incite à la responsabilisation humaine, ce concept après avoir été utilisé par les premiers califes dans son sens de succession et de responsabilité collective, va se transformer, entre les mains des monarchies despotiques, en un puissant outil de l’oppression des peuples. Mouawiya pour obtenir l’allégeance à son fils Yazid en tant qu’héritier du trône, ne cessait de répéter : « C’est la toute puissance divine qui a décrété que Yazid serait Calife… Les hommes ne peuvent rien contre le Destin… » L’idéologie fataliste des omeyades était une véritable aliénation.
Il faudrait donc savoir revenir au souffle spirituel initial et redécouvrir le sens original de la Khilafa, qui se veut avant tout une revivification du sens de la responsabilité des hommes et des femmes dans cette vie terrestre. Il est à noter aussi que sous cette «responsabilisation» des êtres humains, hommes et femmes, il y a aussi une aptitude qui a été « offerte » à l’être humain et qui est celle de « sa liberté »! Responsabilité et liberté vont de paire et sont indissociables dans cette gestion commune de ce bas monde…
Cette notion centrale dans la gestion du monde telle qu’elle a été décrite par le Coran est importante à reproduire à l’heure où l’on parle d’égalité hommes femmes et de leur implication sociale et politique dans l’espace public. Egalité dans la liberté et la responsabilité de : choisir, de travailler, de gérer, de participer à l’essor de la société et du monde dans lesquels on vit.
Dans l’énoncé coranique, l’interpellation est donc claire et on ne peut concevoir la vie sur terre si l’on n’a pas pris en considération cette énorme responsabilité que le Créateur nous a léguée en tant qu’êtres humains. Cette prise de conscience est essentielle d’abord parce qu’elle ressuscite l’esprit égalitaire du message spirituel, qui responsabilise les hommes et les femmes à part égale et sans aucune discrimination. Cette responsabilisation est prescrite à tous les êtres humains; autrement dit chaque homme et chaque femme est dépositaire de ce don divin et se doit d’être le gardien et la gardienne des richesses de la terre.
Chaque être humain, homme ou femme, « représente » une part de ce « secret de Dieu » lors de son passage sur cette terre, et c’est le degré de cette conscience humaine envers ce lourd dépôt divin qui témoigne de notre degré d’engagement spirituel à préserver la vie sur terre.
Chaque être humain, homme ou femme, « représente » une part de ce « secret de Dieu » lors de son passage sur cette terre, et c’est le degré de cette conscience humaine envers ce lourd dépôt divin qui témoigne de notre degré d’engagement spirituel à préserver la vie sur terre. Et puis cette responsabilisation terrestre léguée à l’être humain est tout aussi importante parce qu’elle nous interpelle sur la qualité de la gestion humaine de notre monde à l’heure où la planète souffre d’un grave désastre multidimensionnel, et dont les crises économiques et climatiques actuelles ne sont que les signes avants coureurs.
Est-on à la hauteur de cette mission que nous a transmise le Créateur de ce monde ? Avons–nous préservé les richesses de cette noble terre que Dieu a mis à notre service ? En tant que créatures privilégiées avons nous pensé aux autres créatures et respecté leur environnement ? Qu’en est-il de la grave crise climatique actuelle ? De l’insoutenable déséquilibre Nord – Sud ? De l’indécente mercantilisation de notre monde ?
Le constat de cette crise majeure mondialement annoncée est évident , et nos faillites matérielles et morales, voire notre responsabilité et notre inconscience, sont irréfutables… Il n’y a qu’à regarder autour de nous, au Nord comme au Sud, pour percevoir l’ampleur des désastres perpétrés au nom de la civilisation humaine et de s’apercevoir que, malheureusement, nous avons failli à la première et considérable responsabilité de préserver ce que Dieu nous a laissé entre les mains comme un dépôt, un trésor à protéger, une «Amana» !
La Khilafa est donc cette « mission » que Dieu a léguée à chacun de nous, hommes et femmes, sur cette vie terrestre, et c’est le premier devoir de chaque femme et de chaque homme que de garder en mémoire cette mission pour laquelle il a été crée. Revivifier le souvenir de la Khilafa en nous c’est revivifier la souvenance de la dignité spirituelle que Dieu nous a octroyée afin d’accomplir cette mission inhérente à notre humanité d’homme et de femme.
Par Asma Lamrabet
Source: www.gierfi.com