Des féministes musulmanes plaident leur cause à Madrid. Juriste, médecin, cinéaste : des féministes musulmanes ont fait entendre leur voix encore minoritaire cette semaine à Madrid pour plaider en faveur de l’émancipation et d’une meilleure intégration des musulmanes dans le monde.
Voilées ou non, elles s’expriment en arabe, français, espagnol ou anglais. Certaines observent le ramadan. D’autres se régalent des « tapas » offerts par l’Institut espagnol de la femme et l’ONG Mouvement pour la paix, organisateurs de ces tables rondes auxquelles ont assisté mardi et mercredi des féministes espagnoles.
Parmi la dizaine d’intellectuelles invitées à ces journées intitulées « Femmes islamiques et droits civiques », les Marocaines Asma Lambaret et Farida Benlyazid ont plaidé pour une « relecture féminine des textes sacrés de l’islam », selon elles détournés par les hommes.
Médecin et essayiste, Asma Lambaret ne mâche pas ses mots. Elle dénonce « l’énorme décalage entre la réalité du message spirituel des textes sacrés et la lecture qu’en ont fait des interprètes ». « Depuis quatorze siècles, on nous impose une lecture machiste » qui ne peut pas faire avancer les choses, ajoute-t-elle. « À la mort du prophète Mohammad, les hommes n’ont pas relayé son message de libération des femmes », abonde la cinéaste Farida Benlyazid.
Plus pragmatique, Khatoun Haïdar, membre libanaise de l’ONG Council of Women, défend une intégration des musulmanes par « l’éducation et l’emploi ». « Donnez-leur une éducation et un emploi et plus personne ne parlera du voile comme un problème », explique-t-elle. Avec des moyens économiques, « elles pourront être indépendantes de leurs maris », ajoute Mme Haïdar.
Sur le port du voile, sujet de vives polémiques en Europe, ces féministes sont unanimes : elles en ont assez de le voir au centre des débats. « Quand j’étais une féministe occidentalisée, j’ai lutté contre ce voile, symbole de l’oppression, mais depuis j’ai fait le choix spirituel de le porter, témoigne Asma Lambaret. L’imposer comme l’interdire correspond à une logique totalitaire. »
Ces femmes qui osent aborder tout haut des sujets aussi délicats que la relecture des textes sacrés sont conscientes d’être encore minoritaires. « Notre révolte fait peur, nous sommes dans une posture inconfortable aussi bien aux yeux de l’extérieur que dans nos propres foyers », dénonce Mme Lambaret. Mais « nous revendiquons le droit de parler de ce en quoi nous croyons », dit la juriste palestinienne Sana Aranki.
« Les traditionalistes nous voient d’un mauvais œil, les islamistes aussi » et même « les Occidentaux nous regardent bizarrement », estime également Mme Lambaret. Pour l’essayiste marocaine, ce travail sur les mentalités doit se faire « peu à peu, il ne faut surtout pas brûler les étapes ». Les féministes musulmanes se feront à nouveau entendre en Espagne au 2e Congrès international du féminisme islamique, du 3 au 5 novembre à Barcelone.
Divorce, contraception et mauvais traitements y seront débattus par des intellectuelles venues d’Indonésie, du Pakistan, du Nigeria, d’Iran ou du Maroc.
Source: L’Orient-le Jour (Liban)