L’Islam du XIVème siècle, des personnages et des lieux

Article author: FUNCI

Date of publication of the article: 20110624

Year of publication: 2011

Dans son fondement, l’Islam était basé, entre autres, sur deux concepts : celui de voyage (ou émigration) et celui de lecture (ou étude).

A commencer par le concept de voyage, il a été évoqué en premier lieu par l’approche d’Al-Hijra, l’Hégire, un acte par lequel le prophète Mohamed a quitté sa ville la Mecque en direction vers Médine, fuyant la persécution de Quraich pour aller se réfugier en Dieu et fonder les prémisses de la Oumma, ou communauté islamique, dans la ville de Médine.

Le Coran a bien mentionné le terme du voyage sous plusieurs acceptions, telles que découverte de soi, découverte de l’autre et découverte des créations de Dieu.

Dis : «Parcourez la terre et regardez ce qu’il est advenu de ceux qui ont vécu avant. La plupart d’entre eux étaient des associateurs. 30/42 Les romains

Dis : «Parcourez la terre et voyez comment Il a commencé la création. Puis comment Allah crée la génération ultime. Car Allah est Omnipotent».29/20 L’araignée

Ô hommes ! Nous vous avons créés d’un mâle et d’une femelle, et Nous avons fait de vous des nations et des tribus, pour que vous vous entre-connaissiez. 49/13 Les appartements.

Parcourez la terre durant quatre mois ; et sachez que vous ne réduirez pas Allah à l’impuissance et qu’Allah couvre d’ignominie les mécréants. 9/2 Le repentir.

Le voyage se présente comme un moyen et une nécessité de développement spirituel du croyant et d’épanouissement de son esprit et son cœur, à travers la méditation sur la Création de Dieu et sur l’histoire et les leçons apportées par les cultures du passé.

Mentionner le Hajj, qui est une obligation pour le croyant et la croyante à effectuer au moins une fois dans sa vie, à condition d’avoir les moyens physiques et matériels ; c’est de même une manière de se rappeler des voyages, des sacrifices et des aventures des croyants et des prophètes antécédents tels que Ibrahim, Ismaël, Hajar et Mohamed à travers la confiance et l’abandon à Dieu.

Il y a également d’autres obligations dans l’Islam qui comportent le déplacement ou le voyage ; le petit pèlerinage (la Oumra), le ziarat, ou visite des tombes et des lieux vénérés, le voyage à fin commerciale, le voyage pour s’instruire et se former, ainsi que la visite des proches et des amis pour garder et honorer le lien de parenté (Silat Al Rahem).

Ibn Batouta

Sept siècles après Al-Hijra, l’Islam était dans son apogée en matière de culture, science, économie et politique. Pendant ce siècle (correspondant au quatorzième siècle grégorien), naquit un des grands voyageurs arabes et musulmans, et explorateur de soi-même, du monde et de sa religion : Ibn Batouta.

A vingt et un ans, Ibn Batouta décida d’aller à la Mecque pour faire le Hajj, muni de la mission chargée par le sultan du Maroc Abou Enan, de recueillir des histoires, comptes ou informations se rapportant à la vie culturelle et aux situations géographiques et politiques des lieux visités. La mission a été bien menée par Ibn Batouta, vu que pendant son voyage il a enregistré des observations, des notes, des idées et des leçons qui ont été collectées dans son livre Al-Rihla, le voyage.

Le voyage à cette époque fut accessible à tous, mais long et parfois dangereux ; les commerçants arabes et musulmans voyageaient souvent en caravanes pour vendre leurs produits. Animé d’un profond enthousiasme religieux, Ibn Batouta décida d’aller à la conquête des terres sous le royaume islamique.

Voici quelques descriptions résumées du monde Islamique pendant le quatorzième siècle, d’après les observations de Ibn Batouta contenues dans la Rihla :

La vallée du Nil représentait un paradis avec un véritable jardin, plein de vie et de vitalité, servant de grenier à blé de l’empire Mamelouk.

Le Caire et Damas se convertissaient en villes de classe en raison de leur commerce avec l’Inde et la Chine à travers le Yémen.

Le Caire et Bagdad étaient devenus de grands centres d’apprentissage.

Le commerce, ainsi que la concurrence entre les sultans pour la création, la découverte et la science, ont facilité la circulation des chercheurs, architectes, médecins, ingénieurs, poètes et hommes de science qui ont cherché un emploi rémunéré dans les différents tribunaux. Ce mouvement a fourni un moteur puissant pour la diffusion des connaissances et de la foi, surtout vers les territoires périphériques devenus sous domination politique de l’Islam tels que l’Inde, le Pakistan, l’Indonésie, la Malaisie, la Turquie.

De ce fait l’Islam a connu une nouvelle expansion géographique, vers les régions de l’Asie du sud ; ainsi un voyageur aurait pu passer du Mali à Delhi sans sortir du cadre religieux et linguistique familier des musulmans.

Tunis était un dépôt de commerce important et un centre culturel. On importait de l’or, de l’ivoire de l’Afrique, de la broderie et des boiseries de l’Egypte, ainsi que des herbes indiennes, des médicaments, des épices et de la porcelaine chinoise. Ces produits se vendaient après dans des villes de l’Europe du Sud et du Maghreb.

A cette époque-là, Tunis fut gouvernée par les souverains de la dynastie des Hafsides, qui durant leur long règnes, embellirent la ville avec la construction d’édifices religieux tels que la mosquée de la Kasbah, et d’écoles d’enseignement qui ont laissé jusqu’à nos jours de grands noms de la vie culturelle et religieuse tels que l’historien Ibn Khaldoun. De même, la ville a vu naître des saints et des saintes mystiques tels que Sidi Bousaid, Sidi Ali Al Hattab et Lella Manoubia.

L’Age d’Or Islamique

Le quatorzième siècle marque le commencement de la fin de l’Age d’Or Islamique, qui s’est initié à partir du septième siècle de l’Hégire.

Toutes les dynasties musulmanes de cet Age, principalement celles qui ont gouverné la région arabo persique, avaient la coutume d’encourager la science, l’art, la poésie, la philosophie, l’architecture, le droit et toute autre discipline qui aidait à leur épanouissement et développement culturels, religieux, politique et économique.

Ceci marque le deuxième concept de l’Islam, l’éducation, tel que le reflète le Coran dans ce célèbre ayat :

Lis, au nom de ton Seigneur qui a créé, qui a créé l’homme d’une adhérence, Lis ! Ton Seigneur est le Très Noble, qui a enseigné par la plume, a enseigné à l’homme ce qu’il ne savait pas.96/1-5 L’adhérence.

Durant le quatorzième siècle, le sud de l’Espagne faisait aussi partie du monde musulman. Ce fut un siècle qui marqua le véritable Age d’Or Islamique, et ce, dans un pays européen.

Quand Ibn Batouta a visité le royaume de Grenade en 1350, il l’a décrit comme un royaume puissant et autonome dans son propre droit. Pendant cette période c’étaient les successeurs nasrides qui gouvernaient Grenade, dont Muhammad I Ibn Nasr, aussi connu comme al-Ahmarle magnifique, son fondateur vers 1238.

Pour garantir la sécurité et la stabilité du royaume Nasride de Grenade, Muhammad I al-Ahmar se déclare vassal et allié du roi Fernando III de Castille, grâce à quoi la population de Grenade triplait, l’industrie crût, et les arts et les sciences étaient encouragés et se développaient.

L’Alhambra de Grenade

Muhammad I Ibn Nasr est aussi à l’origine de la construction de l’Alhambra, son œuvre la plus extraordinaire, qui pendant le quatorzième siècle a été agrandi par ses descendants, principalement Yusuf I et Muhammad V.

L’Alhambra est considérée comme le monument reflétant concrètement le concept de l’éducation dans l’Islam. Les inscriptions, qui sont sur les murs des palais, illustrent une ingéniosité mathématique, artistique et un savoir-faire et des dons à la poésie, à la calligraphie et à la persévérance.

L’Alhambra représente une sorte de livre-jardin qui combine art, savoir-faire et savoirs être de la civilisation Islamique de cette époque. Elle emblème une architecture écrite et construite décorée de la poésie arabe classique, de la divinité des mots coraniques et d’actes de créativité. Les murs de l’Alhambra représentent ainsi les pages d’un livre où s’est mélangé poésie, calligraphie, art, divinité, architecture et géométrie.

Parmi les inscriptions, on note l’emblème omniprésent du royaume Nasride (Wa la ghaliba illa Allah, il n’y a pas de vainqueur sinon Dieux), des poèmes de vénération aux sultans responsables de la construction et l’embellissement de l’Alhambra, des mots d’invocations de Dieu, Ses attributs et Ses qualités, des passages du Coran et quelques 30 poèmes qui ont encore survécus sur les murs, fresques et fontaines.

On remarque aussi une omniprésence des mots et expressions suivants : «la fortune», «la bénédiction», « le bonheur continu»,« Dieu pourvoit en toute adversité».

Les inscriptions de l’Alhambra reflètent en quelque sorte la manière de penser, de vivre et d’être des rois Nasrides, de leur poètes, architectes et calligraphes; en effet la majorité des mots et calligrammes inscrits renvoient à des pensées qui invoquentla richesse, le bonheur, la majesté de Dieu et de ses créations, la beauté de la nature et du paradis, la gratitude envers Dieu et les sultans de l’Alhambra, ainsi que des passages du Coran servant à se protéger du mal et de l’envie.

Ce qui semblerait peut être magique et romantique actuellement, c’est de considérer que ces inscriptions ont servi comme protecteur et garde de L’Alhambra et de générateur de pouvoir et de gratitude pour une présence continue du lieu.

Jamais dans l’histoire une architecture n’a été aussi verbale et poétique que celle des palais des Nasrides, ni jamais paroles et poésies se sont fusionnées à l’architecture avec autant de subtilité et intensité que dans l’Alhambra.

Ce fut ainsi un siècle du Moyen Age qui a marqué l’histoire de la Civilisation Islamique et qui a laissé sa trace dans les livres, comptes et monuments de l’orient et de l’occident.

Nouha Ben Salem