Le coup de colère du quotidien islamiste modéré d’Istanbul contre l’Etat hébreu, après l’assaut israélien contre la “flottille de la liberté”. Le massacre perpétré par Israël contre un bateau battant pavillon turc ne doit rien au hasard. S’il y avait des gens de toutes nationalités à bord, c’est néanmoins la Turquie qui était visée. Pourquoi ? Parce que la Turquie est une puissance régionale montante qui puise désormais sa force dans une diplomatie allant dans le sens de la paix et de la stabilité dans la région et qui développe de bonnes relations avec ses voisins tout en essayant de résoudre les différends qui les opposent. Or Israël préfère une Turquie en conflit avec ses voisins et qui, dans ces conditions, a besoin de son aide.
En effet, Israël est plus à l’aise avec une Turquie qui a des problèmes avec la Syrie et la Grèce, qui s’enfonce dans son problème kurde et qui doit alors frapper à sa porte. Une Turquie affaiblie, coupée du Moyen-Orient et de l’Union européenne. Mais aujourd’hui, c’est tout le contraire qui se passe. Dès lors qu’elle mène une mission pacificatrice, la Turquie ne peut pas ne pas s’intéresser à la question palestinienne. C’est d’ailleurs dans ce cadre qu’elle tente de rapprocher les points de vue entre le Hamas et le Fatah.
Mais Israël tente de prouver que la Turquie n’est pas impartiale et qu’elle n’est pas en mesure de mener une mission de paix sur le plan régional. De même, l’Etat hébreu voit d’un mauvais œil l’action diplomatique turque menée pour résoudre le dossier nucléaire iranien. Le but des Israéliens est de provoquer un conflit entre les Etats-Unis et l’Iran afin d’affaiblir Obama, qui ne sera plus en mesure de faire pression sur eux concernant la question palestinienne. En provoquant une détérioration de ses relations avec la Turquie, Israël veut donc empêcher Ankara d’apparaître comme un acteur impartial capable de trouver une solution diplomatique entre l’Iran, les Etats-Unis et l’Europe. De cette façon, les Israéliens entendent mettre un terme au projet, porté par la Turquie, d’un Moyen-Orient dénucléarisé. Il est donc très important que la réaction du gouvernement et de la population turcs reste dans un cadre légitime, car cette agression constitue incontestablement une provocation des Israéliens pour piéger le parti au pouvoir en Turquie [l’AKP] afin qu’il se discrédite aux yeux de la communauté internationale.
03.06.2010
Ihsan Dagi. Zaman
Source: courrierinternational.com