L’Union internationale des femmes musulmanes perd sa présidente, Aminah Assilmi, une femme d’exception.
L’Union internationale des femmes musulmanes a pleuré le décès de sa présidente, Aminah Assilmi, survenue le 5 mars dernier à l’âge de 65 ans. Rien ne prédestinait cette femme, baptiste pratiquante au départ, à devenir une des personnalités musulmanes les plus influentes des Etats-Unis, forçant l’admiration de milliers de personnes qui l’ont connue. Parcours d’une féministe engagée, à qui la vie ne lui a pas fait de cadeau mais qui a tant apporté à l’intégration des musulman(e)s dans la société américaine.
Aminah Assilmi a contribué à la reconnaissance de l’islam aux Etats-Unis. Elle a, entre autres, permis l’émission de timbres « Aïd » et obtenu un changement de la loi de l’Etat du Colorado qui refusait la garde des enfants pour raisons religieuses
Qui a dit qu’une erreur informatique ne pouvait pas changer le cours d’une vie ? Ce ne sera pas les proches d’Aminah Assilmi qui diront le contraire. Issue d’une famille baptiste (chrétienne) pratiquante, la journaliste et brillante étudiante Aminah Assilmi avait eu la chance d’obtenir une bourse lui permettant de continuer les études de son choix.
Nous voici en 1975. De retour d’un voyage professionnel, elle se rendit compte qu’elle avait malencontreusement été inscrite à un cours de théâtre, discipline qui la mettait mal à l’aise tant elle n’avait pas l’habitude de s’exprimer sur scène devant des inconnus. Ce fut d’autant plus un choc lorsqu’elle découvrit que la classe était pleine d’Arabes, de confession musulmane de surcroît. C’en était trop pour elle qui décida de ne plus retourner à ce cours.
L’islam longtemps mal intégré
La réaction d’Aminah n’est guère très étonnante : l’islam était une religion extrêmement minoritaire dans les années 1970. On ne dénombrait pas plus de 1 million de musulmans sur le territoire. A peine remis de la fin de la ségrégation, la plupart des Blancs américains, qui considéraient l’islam comme une secte, voyaient d’un très mauvais œil le développement d’organisations musulmanes telles que Nation of Islam.
Poussée par son mari, Aminah, de peur qu’elle ne rate son année, décida finalement d’assister au cours de théâtre, pensant qu’elle était investie d’une mission divine : sauver ces Arabes des flammes de l’Enfer en leur montrant la bonne voie, celle du christianisme. Mais les discussions à elles seules ne furent pas suffisantes pour les convaincre. Sûre de réussir dans sa tâche, elle prit l’initiative de lire le Coran et des livres annexes pour en apprendre davantage sur l’islam et leur faire prendre conscience de leurs erreurs.
Mais plus elle en apprenait, plus elle changeait d’attitude et de comportement tout en restant la pratiquante baptiste qu’elle était : l’alcool et le porc disparurent de ses plats, les sorties en boîte avec ses amies se firent de plus en plus rares… Jusqu’à ce jour du 21 mai 1977 lorsqu’elle prononça naturellement la profession de foi, qui fit d’elle une musulmane. Le premier pas d’une conversion non sans sacrifice : ses amis lui tournèrent le dos, sa famille l’a crurent folle et bonne à l’asile psychiatrique.
La conversion, un choix non sans conséquence pour Aminah
Très vite, elle perdit son travail malgré l’obtention de nombreux prix d’excellence. Le jour où elle commença à porter le voile, un an après sa conversion, fut son dernier jour de travail. Son mari, pensant au départ qu’elle le trompait (ce n’est que pour un homme qu’une femme change), demanda le divorce. Pour couronner le tout, la justice lui retira la garde de ses deux jeunes enfants sur des seules considérations religieuses. Aminah Assilmi racontera plus tard que les juges lui donnèrent 20 minutes pour se décider : ses enfants ou sa religion. Un choix douloureux qui la marqua à vie.
Bien que la garde de ses enfants ne lui fût jamais accordée, elle a longtemps milité pour le changement de la loi de l’Etat du Colorado refusant la garde des enfants à une personne pour des raisons religieuses. Un combat qu’elle mena avec succès grâce aux médias qu’elle a su sensibiliser.
Tout vient à point à qui sait attendre
Les changements qui s’opérèrent en elle, en tant que personne, retinrent malgré tout l’attention des gens autour d’Aminah. La première à approuver ses choix furent sa grand-mère qui, peu de temps avant de mourir, se convertit à l’islam.
Après plusieurs années de relations difficiles, la mère d’Aminah, contente des changements positifs de sa fille, accepta sa nouvelle identité religieuse, avant de décider de se convertir quelques années plus tard. Cependant, elle demanda à sa fille de rester discrète à ce sujet.
Ce que la mère d’Aminah ne savait pas, c’est que son propre mari avait lui aussi entrepris cette démarche auprès d’Aminah quelques semaines plus tôt… discrètement de peur de blesser sa femme…
Enfin, seize ans après son divorce, Aminah apprit que son ex-mari, impressionné par son comportement, s’était aussi converti, espérant que sa fille suive le même chemin que sa mère. Ses enfants, devenus majeurs, ont renoué contact avec leur mère avant d’embrasser l’islam.
Une réelle contribution à la société américaine
Elle, qui avait été licenciée pour avoir porté le hijab, est devenue la présidente d’une organisation influente aux Etats-Unis. C’est à elle que les Américains musulmans doivent les premiers timbres célébrant les deux Aïd, émis par les services postaux américains en 2001 et édités plusieurs fois depuis, dernièrement en septembre 2009. Un pas de plus vers la reconnaissance de la présence musulmane en Amérique.
Atteinte d’un cancer, elle n’a cessé d’être active et de maintenir ses engagements jusqu’au bout. Jusqu’à ce jour du 5 mars 2010 où, de retour d’une conférence à New York, un accident de voiture lui fit perdre la vie. Elle avait 65 ans. Féministe engagée, Aminah Assilmi souhaitait voir la création d’un centre d’études pour femmes musulmanes afin d’accompagner les nouveaux musulmans.
Nombreuses ont été les personnalités politiques et religieuses à lui rendre hommage. « A Dieu nous appartenons et à Lui nous retournons », a simplement déclaré le sénateur américain Larry Shaw, lui-même président du conseil d’administration du Council on American Islamic Relations (CAIR) par voie de communiqué. Paix à son âme, dira-t-on simplement.
Nombreuses ont été les personnalités politiques et religieuses à lui rendre hommage. « A Dieu nous appartenons et à Lui nous retournons », a simplement déclaré le sénateur américain Larry Shaw, lui-même président du conseil d’administration du Council on American Islamic Relations (CAIR) par voie de communiqué. Paix à son âme, dira-t-on simplement.