Par María Jesús Viguera Molins, Universidad Complutense, Madrid, le 11 décembre 2015
A la tête de la Fondation de la Culture islamique (FUNCI), créée il y a plus de trente ans, le professeur Cherif Abderrahman Jah, entouré de professionnels compétents, a guidé cette ONG à caractère culturel et politique, indépendante de toute confession, dans la production d’un travail culturel d’une qualité admirable, en jetant des ponts entre “Orient” et “Occident”, en donnant à voir hic et nunc la richesse de la civilisation islamique, avec ses contributions scientifiques, techniques et littéraires. L’accomplissement de ce grand dessein est une des plus belles contributions au vivre ensemble, dont nous avons tous tant besoin pour survivre dans ce monde troublé. L’ignorance et l’incompréhension engendrent l’intolérance, et l’obscurantisme entraîne le rejet.
Transmettre la culture, c’est répandre la lumière. La Fondation de la Culture islamique l’affirme haut et fort sur son site web : « Notre objectif constant est de contribuer au développement, de préserver le patrimoine naturel et culturel, et d’encourager le dialogue, pour en finir avec les préjugés… toujours dans le respect de l’identité culturelle des peuples. » Cette mission, concrétisée dans les multiples et remarquables activités de la FUNCI, est portée par une personnalité d’exception, le Professeur Cherif Abderrahman Jah, dont la noblesse du discours et la profondeur du message emportent la conviction de ses interlocuteurs.
Il suffit de connaître ses buts et ses positions pour aussitôt comprendre qu’on est face à un humaniste, plein de sagesse et de sérénité, un citoyen espagnol né au Maroc qui a acquis une projection universelle : en effet, c’est pour tous, et pour tout un chacun qu’il s’est consacré à ce travail d’éducation et de communication, conditions de la connaissance mutuelle et de l’espoir. La FUNCI est présente dans 22 pays, où elle transmet les valeurs de l’interculturalité, à chaque jour plus indispensable pour corriger et réparer tant de déséquilibres. Une œuvre d’envergure, exigeant la force d’une grande conviction, dont la pierre angulaire est le Professeur Abderrahman Jah.
Les “amis” de Dieu
Lorsque j’ai fait sa connaissance, dans les années 80, je venais de lire une biographie très spéciale, contant les Faits mémorables du sultan Abu al-Hasan (al-Musnad al-sahih al-hasan fi ma’atir mawlana Abi l-Hasan), sultan mérinide du XIVe siècle, dont j’ai édité et traduit les manuscrits (dont l’un se trouve à la Bibliothèque de l’Escurial). Parmi les pages exposant les idéaux de conduite, un chapitre traite des “amis” de Dieu, brossant le portrait de quelques personnalités de l’époque célèbres au Maghreb pour leur vertu, clairvoyance, sagesse, piété, ascétisme, recueillement, et dignité. Les caractères cités par el Musnad appartiennent à la grande littérature hagiographique maghrébine, que j’ai découverte dans sa totalité, avec admiration pour ces exemples de vies intègres. Et lorsque j’ai rencontré le Professeur Cherif Abderrahman Jah, j’ai associé son image et ses actions à celles de ces patriarches, honorés pour leur capacité d’harmonie et leur altruisme.
Rien d’étonnant à ce que Cherif Abderrahman Jah soit écouté et respecté. Depuis des années, je constate à quel point, au Maroc et en Espagne, et certainement ailleurs également, nombre de gens l’entendent et l’admirent. Je n’en veux pour preuve que l’amitié et la prédilection manifestées par M. Julio Caro Baroja à son égard, ayant été témoin de quelques épisodes révélateurs de la haute estime dans laquelle le grand historien et anthropologue espagnol, auréolé de son prestige, tenait le Professeur Abderrahman Jah.
Conduite éclairée
J’ai eu la chance, sur le plan professionnel et humain, de prendre part à certaines activités organisées et réalisées par la FUNCI, toujours sous la conduite éclairée du Professeur Abderrahman Jah. Je pense notamment à ses Congrès, depuis 1988 avec les inoubliables Premières Journées Internationales de Culture Islamique “Aragón vit son histoire” (dont les Actes furent publiés en 1990) jusqu’aux Journées sur « Islam et Constitutionnalisme : un dialogue ouvert », organisées par la FUNCI dans la Bibliothèque Vivante d’Al-Andalous (Fondation Paradigma Córdoba), cet hiver 2015. Les Expositions sont également un domaine où la FUNCI démontre ses compétences scientifique et technique : « Qalam, l’art du livre », grande exposition à la Bibliothèque Nationale du Royaume du Maroc (Rabat, 2010), et son Catalogue publié. Je peux témoigner personnellement du soin apporté à ce travail et de ses excellents résultats.
Je ne cite que ces trois exemples parmi bien d’autres réalisations. « C’est à leurs fruits que vous les reconnaîtrez », et nous connaissons l’ampleur de l’œuvre du Professeur Abderrahman Jah; sans oublier l’importance de ses idées, de ses écrits et de ses déclarations, comme son discours pour le dialogue euro-islamique devant l’Assemblée Parlementaire du Conseil de l’Europe, et le premier Manifeste international contre l’islamophobie qu’il a présenté au Cercle des Beaux-Arts à Madrid en 2003.
Et ce n’est qu’une petite partie de ses accomplissements: en soixante-dix ans d’une vie féconde, le sage cheikh Cherif Abderrahman Jah a su apporter au monde culture et fraternité, expressions magnifiques d’un humanisme appelé, nous l’espérons, à une diffusion encore plus large.